Le processus de création de Richard Long suit bien souvent un schéma régulier : d’abord une marche, puis une rencontre fortuite avec un matériau naturel et enfin, un cadre d’expression pour synthétiser une impression éprouvée. Des caractéristiques que nous retrouvons également dans l’œuvre « champ d’ocre » , une installation qui fut réalisée dans le cadre d’une exposition à a chapelle saint charles d’avignon, ayant eu lieu du 2 juillet au 16 octobre 2011. Une occasion pour le public d’accéder au travail de l’artiste souvent implanté dans des lieux improbables et difficile d’accès.
Notons que le documentaire " Richard Long in the Sahara" diffusé dans la sacristie de la Chapelle éclaire également sur la démarche artistique et le processus mental de création de l’artiste marcheur.
C’est donc après avoir marché dans le Département du Vaucluse au cours de l’été 2010, après avoir pris possession de l’ambiance dégagée par cette chapelle, et après avoir visité la
carrière d’ocre de Gargas que Richard Long a pu coucher sur le papier son projet d’installation éphémère, Champ d’Ocre.
Si le travail de Richard Long est mondialement connu, cette installation éphémère présente un caractère totalement inédit, telle une facette supplémentaire dans sa pratique artistique. En effet, employer un matériau comme l’ocre est une grande première pour lui.
Pourtant s’il existe une gamme très riche de teintes pour cette matière, Richard Long n’a pas hésité à choisir la plus emblématique de la région du Luberon, à savoir l’ocre rouge.
Grâce à cette matière nouvelle, il a pu valoriser et exploiter matériellement les potentialités de la région dans laquelle il a oeuvré.
Conscient que les pigments de ce matériau pouvaient occasionner des dommages irréversibles sur le dallage de la Chapelle Saint-Charles, Richard Long a pris soin de protéger le sol à l’aide de bâches. Ces dernières suivent avec exactitude les lignes du sol, formant une perspective. La figure géométrique du rectangle est en équilibre et en harmonie totale avec les proportions majestueuses de la Chapelle Saint-Charles. Richard Long délimite les contours de son patron dressé au sol à l’aide d’une bordure sableuse. Par contraste, la blancheur linéaire vient apporter un éclat supplémentaire à l’étendue ocreuse rouge.
Richard Long finalise son travail en disposant des mottes d’ocre de dix tonnes sur la totalité de la surface. Conjointement, il griffe la matière à l’aide d’un râteau afin de former des lignes sinueuses et de conférer à l’ensemble un volume irrégulier. De cette façon, ce champ de pierres rouges inspire apaisement, plénitude et paix. Marquer des paysages ou des espaces a toujours été son leitmotiv en tant qu’artiste. Aussi, gratter une matière naturelle est pour lui une façon de dialoguer directement avec elle et de rendre la trace, la sensation d’un passage vivant. On peut également constater des plumes sur ce champ d’ocre, l’artiste justifiant qu’il voulait laisser ces plumes pour laisser la nature reprendre le dessus.
Si à travers Champ d’Ocre la notion d’éphémèrité est bien présente par la matière friable, il faut également lui ajouter celle d’oeuvre mouvante. La lumière naturelle qui se pose sur la matière de façon fortuite propose un compte-rendu visuel riche et varié. La matière participe également à cette sensation en réagissant aux écarts de températures progressifs et assèchements.
Dans la chapelle Saint Charles, Richard Long voulait ouvrir les fenêtres pour avoir une lumière naturelle qui change selon le moment de la journée et l’endroit où l’on se trouve. Formulée en prenant en compte le milieu environnant, Champ d’Ocre joue donc à la fois sur le
dedans et le dehors. En effet, en transposant une matière extraite en extérieur dans un espace intérieur clos, Richard Long parvient à créer un paysage naturel, propice à l’imagination. La perspective du lieu et le traitement de la matière jouent sur un rapport d’échelle entre macro et micro, tout en offrant un équilibre et une harmonie entre terrestre et divin.
Chacun peut voir dans cette surface terreuse un paysage en particulier : pourquoi pas celui de la planète Mars ? Cette matière employée est un éveil aux sens, à un voyage dans l’imaginaire.
L’empreinte brute laissée dans l’espace clos de la Chapelle Saint-Charles donne lieu à une rencontre entre couleurs, espace et lumière naturelle du lieu. En référence à la chanson A grain of sand de Bob Dylan (dans la version d’Emyllou Harris) qui a également nourrit sa réflexion, Champ d’Ocre se veut comme un grain de sable dans l’espace du monde.
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